Saturday, November 04, 2006

"La souveraineté, l’ouverture" par Alex Herman



La nuit du 30 octobre 1995, nous avons tous entendu des mots qui resteront dans nos oreilles bien des années par la suite. Après une défaite mince de 50,000 votes dans un referendum, le leader du Parti Québécois a prononcé sa fameuse déclaration, attribuant le blâme de la défaite à deux causes particulières. Le souvenir de ce qu'il a appelé "l'argent et le vote ethnique" restera avec le parti – et la cause de la souveraineté – jusqu'à nos jours. À chaque moment où le PQ a l'air de se débarrasser du spectre de l'intolérance, une nouvelle controverse éclate.

La nuit même du referendum, à 3h00, Bernard Landry a dit à une employée d'hôtel d'origine mexicaine, d’un air méchant, que le problème avec les immigrants du Québec, c'est qu’ils votent tous pour le Non.

On se souvient de l'affaire Michaud en 1999, quand un péquiste important, membre du cabinet Bouchard, a proposé des idées manquant de sensibilité envers les victimes de la Shoah. "Ce n'est jamais pareil pour eux," a dit Yves Michaud en entrevue avec Paul Arcand, parlant des juifs au Québec. "Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l'histoire de l'humanité. Là, j'en avais un peu ras le bol." Peut-être ce ne sont pas là les mots d'un anti-sémite convaincu, mais la débâcle dans la presse qui s’ensuivit montre la sensibilité des Québécois envers le discours des nationalistes qui se montre à l'égard des minorités.

Mais la scène du parti change. Les jeunes partout au Québec s’engagent contre les propos de la vielle garde de la souveraineté. Ils font partie d'une génération beaucoup plus tolérante, beaucoup plus accueillante aux nouveaux immigrants du Québec, beaucoup moins attachée à la centralité de la race dans la cause de la souveraineté. On a même vu, l'année dernière, un membre de cette génération être élu chef de parti.

André Boisclair représente un PQ plus ouvert à la différence. Son Québec à lui est de plus en plus cosmopolite, et, bien sur, de plus en plus urbain. Ceci sépare la souveraineté de son passé néfaste et pourrait même convaincre un grand nombre de "nouveaux Québécois" à joindre la cause.

Cependant, cette ouverture présente un problème. Quand M. Boisclair a battu Pauline Marois, représentante de la vieille mentalité, le parti a eu, pour la première fois de son histoire, un leader qui a grandi après que le mouvement de la souveraineté ait été fondé. Cette nouvelle génération n'a pas eu à se battre contre un gouvernement fédéral qui dominait le domaine de la culture, de la politique, le tout, en anglais.

Quand le PQ a été fondé, avec une politique de souveraineté-association, c'était une réaction contre la centralisation d'Ottawa. Bernard Landry, qui a été soldat dans l'armée canadienne six étés pendant ses études, devait parler anglais à tous ses officiers. "Speak English, private Landry," on lui cria une fois. "That's an order!" Dans une entrevue avec Radio-Canada, il explique que ses expériences dans l'armée, en plus de le faire devenir pacifiste, l'ont aussi convaincu de la nécessité de la souveraineté. On se demande si quelqu'un comme André Boisclair avait la même sorte d'urgence – une réaction à la domination – quand il a décidé de se joindre au Parti Québécois.

La nouvelle génération a hérité de ce qui a déjà été construit pour eux. Elle n'a plus le sens guerrier des générations d'avant. Le Canada, maintenant un pays avec un gouvernement officiellement bilingue, peut s’adresser à tous ses citoyens dans leur langue première, peu importe s’ils sont anglophones ou francophones. L'armée canadienne est aussi bilingue: les soldats francophones n'ont plus besoin de répondre aux ordres dans une langue étrangère. Ces changements au plan fédéral ont réussi à transformer le Canada dans un pays beaucoup plus tolérant qu'avant. Maintenant que les mouvements nationalistes du Québec ont finalement aussi souscrit à cet idéal, tout en retenant la priorité de la souveraineté, on se demande si le chef du PQ – et tous les futurs chefs – pourront maintenir une force continuelle contre un Canada qui n'est plus le pays des années 60. C'est le problème éternel du nationalisme: plus on accepte que les autres se joignent à notre cause, moins on se trouve différent par rapport aux autres.

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